Session 3 du cycle de webinaires consacré à la santé environnementale du jeune enfant et organisé par la Mutualité Française Pays de la Loire et l’Agence régionale de santé dans le cadre du PRSE3.
Animé par Gaëlle VIOLET de la Mutualité Française Pays de la Loire avec l’intervention de Nathalie BONVALLOT, enseignante-chercheuse en toxicologie à l’EHSEP et directrice adjointe de l’IRSET, ce webinaire a été suivi le 29 septembre 2020 par des professionnels de la périnatalité et de la petite enfance.
LE SUJET
En interagissant avec nos hormones, les perturbateurs endocriniens, sont suspectés d’avoir de nombreux effets sur notre santé. Santé Publique France dénombre pas moins de 800 substances ayant des propriétés avérées ou suspectées de perturbateurs endocriniens. Ils sont donc omniprésents dans nos produits du quotidien et ce tout au long de notre vie.
L’impact sur la santé des perturbateurs endocriniens est devenu un sujet d’inquiétude grandissant de la population et est au cœur de différentes mesures et politiques publiques.
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ? Comment agit-il ? Où le trouver ? Quelle réglementation encadre son utilisation ? Pourquoi les femmes enceintes et les enfants y sont plus vulnérables ? Et quelles recommandations pour les-en protéger au mieux ?
Autant de questions auxquelles cette troisième session du cycle «Devenez relais de la santé environnementale du jeune enfant » s’est proposé de répondre.
CE QU'IL FAUT RETENIR
La définition
Selon l’OMS (2002), « un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations ».
Un perturbateur endocrinien n’est donc pas une catégorie de substances chimiques mais il caractérise un mode d’action de la substance en relation avec nos hormones. Il peut être d’origine naturelle ou synthétique.
Le système endocrinien est composé de plusieurs glandes qui vont sécréter des hormones indispensables à notre bonne santé générale. Ainsi par exemple, l’hypophyse fabrique et entrepose de nombreuses hormones qui contrôlent la croissance, le métabolisme, etc.
Des modes d’action et des propriétés spécifiques
Un perturbateur endocrinien va agir de différentes façons :
il peut limiter l’action d’une hormone naturelle
il peut empêcher une hormone de se fixer à son récepteur et entraver ainsi la transmission du signal hormonal
il peut perturber la production, la régulation ou le transport des hormones ou de leurs récepteurs.
Par rapport à d’autres polluants chimiques, les perturbateurs endocriniens ont des propriétés spécifiques qui posent de vrais défis pour la recherche scientifique mais aussi pour la réglementation :
Ils peuvent avoir des effets à très faible dose
Les réponses hormonales à une même dose de perturbateurs endocriniens peuvent être différentes selon les tissus récepteurs et selon les périodes de vie. Par exemple à l’adolescence, quand l’activité hormonale est très forte, la réaction aux perturbateurs endocriniens peut être plus forte.
Les réponses des hormones aux perturbateurs endocriniens sont « non monotones ». Il peut y avoir des réponses plus importantes à faible dose qu’à plus forte dose, ce qui va à l’encontre du précepte de toxicologie classique selon lequel « c’est la dose qui fait le poison ».
Prises individuellement, les doses de perturbateurs endocriniens auxquelles nous sommes exposés sont très très faibles. Mais l’effet Cocktails interroge, car nous sommes exposés à de très nombreuses substances chimiques tout au long de la vie, sans pouvoir actuellement mesurer les effets de ces expositions combinées.
Où en est la réglementation ?
Assez récente, la réglementation commence à encadrer l’utilisation des perturbateurs endocriniens. Il existe en effet des verrous réglementaires qui limitent ou interdisent l’usage de perturbateurs endocriniens ayant des effets néfastes sur la santé.
La réglementation européenne REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals) sur l’usage et la commercialisation des produits chimiques indique que les substances perturbateurs endocriniens ayant des effets graves sur la santé humaine doivent être soumises à autorisation.
Les réglementations Phyto (2009) et Biocide (2012) interdisent les substances identifiées comme perturbateurs endocriniens avec effets néfastes pour l’homme dans ses usages.
Pour la réglementation sur les cosmétiques (2009), les perturbateurs endocriniens peuvent être autorisés s’ils ne présentent pas de risques. Les substances classées CMR (cancérigène, mutagène et reprotoxique) sont interdites, qu’elles agissent ou non selon le mécanisme de perturbateurs endocriniens.
Aujourd’hui moins de 20 substances sont clairement identifiées comme perturbateurs endocriniens par la réglementation. Mais près de 80 autres sont à l’étude.
Pour en savoir plus : liste européenne des perturbateurs endocriniens
Où trouve-t-on des perturbateurs endocriniens ?
Bien que réglementé, l’usage de certaines substances de perturbateurs endocriniens ne sont pas toutes interdites (recherche et/ou évaluation bénéfices- risques en cours). Ainsi on peut les retrouver dans notre environnement quotidien via des sources multiples. A noter : l’alimentation, via la contamination des sols et des eaux, est un vecteur important de contamination.
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Le BPA (bisphénol A) est utilisé notamment dans les plastiques pour les rendre transparents, ils sont interdits en France dans les contenants alimentaires.
Le PFOA (acide perfluoroctanoïque) est utilisé comme antiadhésif dans les poêles mais aussi dans certains textiles.
Le DEHP (phtalate de di-2-éthylhexyle) a longtemps été utilisé dans les plastiques mais est aujourd’hui interdit sauf dérogation très limitée.
Le DES (diéthylstilbestrol) a été prescrit de 1948 à 1977 chez la femme enceinte pour éviter les fausses couches, mais on connaît aujourd’hui leurs effets néfastes sur la santé des femmes et de leur descendance sur trois générations.
De nombreuses études démontrent la réalité de nos contaminations par différents polluants chimiques. On pourra se référer notamment aux programmes de biosurveillance Elfe et Esteban qui montrent que nos tissus sont contaminés par différents polluants chimiques (les effets sanitaires n’ont pas tous été mesurés). La comparaison à des études antérieures montre également que les mesures publiques ont des incidences positives sur la contamination humaine. Ainsi le taux de PCB dans les tissus a été diminué par trois depuis leur interdiction en 1989.
Quelles sont les effets sur la santé ?
La recherche en cours sur les effets sanitaires des perturbateurs endocriniens est confrontée à de grands défis méthodologiques. Néanmoins sur certains polluants, des éléments de preuves solides ont été actés.
Les perturbateurs endocriniens ont des effets suspectés ou avérés sur :
Le métabolisme : obésité, diabète (vie le BPA par exemple)
Le trouble du comportement, le déficit de l’attention (via le BPA, PFOA, DEHP par exemple)
La malformation génitale, la puberté précoce, la baisse de la fertilité (via le DES, DEHP par exemple)
Le cancer hormono- dépendant (via le DES, BPA par exemple)
La période des 1 000 premiers jours de l’enfant est également une période de vulnérabilité :
Nos hormones agissent de manière cruciale pendant toute la petite enfance, depuis la période de développement intra-utérine et après la naissance. Les jeunes enfants sont tout particulièrement vulnérables car leurs systèmes pulmonaire et neurologique sont encore immatures après la naissance et leurs comportements les exposent davantage aux polluants (objets mis à la bouche, jeux au sol…). Ainsi l’exposition prénatale ou périnatale peut expliquer la survenue de maladies à l’âge adulte. Pour en savoir plus sur le sujet, consulter le site DOHAD (Developmental Origins of Health And Diseas)
Comment accompagner les familles ?
Préférer une approche globale des polluants à celle centrée sur les seuls perturbateurs endocriniens.
Avoir une démarche globale sur la qualité et l’hygiène de vie des personnes plutôt que rechercher l’absence de perturbateurs endocriniens. Ainsi les messages sur les polluants ne doivent pas être désolidarisés d’autres messages ou recommandations de prévention santé sur l’équilibre alimentaire, le tabac, l’alcool ou encore l’activité physique…
Adapter les messages en fonction des attentes, connaissances et conditions de vie des personnes. Ainsi si une personne n’a pas pris l’habitude d’aérer son logement, mieux vaut commencer par ce changement de comportement, avant même de préconiser de faire la chasse aux perturbateurs endocriniens dans ses cosmétiques.
Tenir compte de la motivation et accompagner les changements plutôt que d’interdire.
Ne pas chercher le « zéro polluant chimique ou zéro perturbateur endocrinien » car cela n’est pas possible, mais agir là où on peut agir sans attendre la preuve scientifique du dégât sanitaire.
Utiliser, en accompagnement, de multiples supports de sensibilisation destinés au grand public. Voir une sélection ici.
Nathalie BONVALLOT est enseignante-chercheuse en toxicologie à l’EHESP et directrice adjointe de l’IRSET (Institut de Recherche en Santé Environnement et Travail).
Ses travaux portent particulièrement sur les perturbateurs endocriniens et leurs effets chez la femme enceinte et le jeune enfant avec l’objectif de mieux faire prendre en compte, dans les décisions de santé publique, les expositions aux mélanges de contaminants.
Nathalie BONVALLOT est également experte pour l’ANSES, tout particulièrement sur le volet évaluation des risques et membre de la section « méthodologie d’évaluation des risques sanitaires » de la Société francophone de santé environnement (SFSE). En savoir plus sur Nathalie Bonvallot
Le cycle de webinaires « Devenez relais santé environnementale du jeune enfant » est proposé par la Mutualité Française Pays de la Loire et l’ARS Pays de la Loire dans le cadre du PRSE3. Il s’adresse aux professionnels de la périnatalité et de la petite enfance.
Son objectif : proposer une culture commune sur les connaissances fondamentales en santé environnementale et apporter des conseils simples à transmettre aux publics accompagnés par les professionnels.