Session 11 du cycle de webinaires consacré à la santé environnementale du jeune enfant et organisé par la Mutualité Française Pays de la Loire et l’Agence régionale de santé dans le cadre du PRSE3.
Ce webinaire a été suivi le 10 janvier 2023 par des professionnel.les de la périnatalité et de la petite enfance.
Il était animé par Gaëlle VIOLET de la Mutualité Française Pays de la Loire avec l’intervention de Grégory BOUCHAUD, directeur de recherche en immunologie à l’INRAE, spécialiste des allergies respiratoires et alimentaires et rattaché à l’Université de Nantes.
LE SUJET
L’allergie n’a cessé de croître avec une prévalence d’environ 30% dans la population générale et 10 % chez le nouveau-né dans les pays dit développés.
On note par ailleurs des liens étroits entre allergies alimentaires précoces et allergies respiratoires.
Si les facteurs génétiques sont une variable importante, l’environnement peut aussi impacter la survenue ou la sévérité des allergies.
Comprendre le développement des allergies en France, décortiquer leurs mécanismes de mise en place et les facteurs environnementaux associés notamment lors d’expositions in utéro ou durant la petite enfance et mieux identifier les moyens de limiter les risques : voici le programme de ce 11ème webinaire.
CE QU’IL FAUT RETENIR
Les allergies, un problème majeur de santé publique
L’organisation mondiale de la santé classe les allergies comme la 4ème pathologie au monde, ce qui représente 25 % de la population touchée, et d’ici 20 à 30 ans une personne sur deux.
Les manifestations allergiques se manifestent sur la peau (dermatite par exemple), ainsi que dans la sphère respiratoire (asthme, rhinite,) ou digestive (allergies alimentaires).
L’allergie alimentaire touche 5 à 7% de la population, principalement les enfants. Les allergènes incriminés se trouvent dans le lait, les œufs, le blé…etc. L’asthme, quant à lui, touche 10 % de la population. Les allergènes se retrouvent majoritairement dans les acariens, les pollens et les animaux.
On constate une corrélation entre les allergies alimentaires durant la petite enfance et la survenue d’allergies respiratoires décelées plus tard chez le même individu. On parle alors de la « marche atopique » (=transfert des symptômes d’origine alimentaire à des symptômes d’origine respiratoire).
A ce jour, il n’existe pas de traitement curatif sur le long terme. Les principales solutions actuelles sont l’éviction de l’allergène ou, dans certains cas, la désensibilisation qui n’est hélas pas durable à long terme.
Qu’est-ce qu’une allergie ?
L’allergie résulte du dysfonctionnement de trois éléments :
Le système immunitaire
Les barrières cutanées, intestinales et pulmonaires
Le dysfonctionnement du microbiote
Chez un patient allergique, il y a production d’anticorps – l’immunoglobuline E (IgE) – qui vont être médiateurs de la réponse allergique et libérer des molécules inflammatoires provoquant des symptômes tels que le gonflement des lèvres, des rougeurs, les yeux ou le nez qui piquent … etc.
L’importance des microbiotes
L’allergie est liée soit à des facteurs intrinsèques (âge, génétique …) soit à des facteurs externes (environnement). Parmi les causes environnementales, l’hypothèse hygiéniste est bien confirmée par de nombreuses études de laboratoires ou d’observation. Ainsi, les personnes vivant dans des environnements très ou trop aseptisés ont plus de risques de développer des allergies ou de manifester des réactions graves. Dit autrement, l’exposition précoce à de « bons » micro-organismes, notamment présents dans des milieux ruraux, est un facteur protecteur du risque allergique mais également d’autres maladies chroniques.
Cette hypothèse hygiéniste est étroitement liée à l’hypothèse du microbiote intestinal. Ainsi, certaines souches bactériennes ont des facteurs protecteurs contre la survenue ou la gravité des risques allergiques.
Les occidentaux, majoritairement urbains, sont donc moins exposés aux « bonnes » bactéries protectrices des allergies. Mais, l’hypothèse de la détérioration de notre microbiote par un usage très important de molécules de chimie de synthèse est également formulée.
Une des hypothèses posées est donc que notre flore intestinale est impactée par une faible exposition aux « bonnes » bactéries mais également par l’augmentation importante de produits chimiques de synthèse. Par exemple, l’usage de pesticides (agricoles et domestiques) a augmenté de 25 % en 10 ans, celui des organo-halogéné (PCB, dioxine) de 20 % en 40 ans et les composés du plastique (bisphénols, phtalates…) de 40 % d’ici 2030. Des expériences récentes auprès des souris ont montré que la présence de bisphénols A avait une incidence sur la survenue et la sévérité des allergies en modifiant le rapport « bonnes » bactéries / « mauvaises » bactéries.
La recolonisation de la flore intestinale par de « bonnes » bactéries peut être obtenue grâce à une alimentation riche en prébiotiques.
Que faire pour limiter les risques allergiques ?
Favoriser les expositions précoces aux « bonnes » bactéries. Par exemple pour les enfants, jouer dehors dans la nature avec des animaux.
Diversifier l’alimentation du jeune enfant selon les recommandations actuelles. En effet, s’il y a quelques années les allergologues préconisaient de retarder l’exposition à certains aliments, aujourd’hui une exposition précoce (à partir du 4ème mois) et progressive est un facteur protecteur.
Allaiter son enfant si la femme le peut et le souhaite.
Eviter de désinfecter son environnement et d’utiliser de trop nombreux produits d’entretien qui peuvent réduire la diversité des bactéries.
Eliminer les sources d’allergies (acariens, poils d’animaux, poussières…).
Manger des aliments riches en fibres et glucides complexes, porteurs de prébiotiques : lait, produits laitiers fermentés, chicorée, oignon, artichaut, banane, rhubarbe, miel (attention ! pas de miel chez les jeunes enfants en raison du risque botulique)
A NOTER :
– Une alimentation riche en fruits, légumes et fibres chez la femme enceinte serait protecteur pour l’enfant à naître
– L’effet protecteur de certains composés comme les antioxydants n’est prouvé que si ces derniers sont consommés dans les légumes et non sous forme de compléments alimentaires
– Un régime riche en fibres et en produits laitiers fermentés diminue par 4 le nombre d’hospitalisation chez des asthmatiques sévères.
Grégory BOUCHAUD
Grégory Bouchaud est directeur de recherche en immunologie à l’INRAE, spécialiste des allergies respiratoires et alimentaires et rattaché à l’Université de Nantes.
Le cycle de webinaires « Devenez relais santé environnementale du jeune enfant » est proposé par la Mutualité Française Pays de la Loire et l’ARS Pays de la Loire dans le cadre du PRSE3. Il s’adresse aux professionnels de la périnatalité et de la petite enfance.
Son objectif : proposer une culture commune sur les connaissances fondamentales en santé environnementale et apporter des conseils simples à transmettre aux publics accompagnés par les professionnels.