[Compléments alimentaires] Pour qui ? Pour quoi ?

Guillaume André est docteur en pharmacie, pharmacien d’officine-nutritionniste. Il est par ailleurs chargé d’enseignement à l’Université de Nantes et coordinateur du DU « Compléments alimentaires » à la Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques.

En résumé

Les compléments alimentaires sont des produits destinés à compléter l’apport alimentaire en cas d’alimentation carencée (on parle alors d’effet nutritionnel) ou à améliorer les fonctions de l’organisme à certaines périodes de l’année ou de la vie (on parle d’effet physiologique ou fonctionnel). La cure ne doit pas être prolongée, ni prise simultanément avec une autre cure de compléments alimentaires. Les compléments alimentaires ne sont pas considérés comme des médicaments mais ils peuvent faire courir des risques de surdosage ou d’interactions médicamenteuses en cas de prise inappropriée.  L’avis d’un professionnel de santé ayant des connaissances en micro-nutrition ou en compléments alimentaires est fortement recommandé. Cet avis est nécessaire pour les personnes suivant un traitement médicamenteux.

Qu’est-ce qu’un complément alimentaire ?

Guillaume André : C’est un produit qui se présente comme un médicament sous forme de gélule, d’ampoule, de sachet ou encore de sirop mais qui n’est pas un médicament. Il est classé comme un aliment et contient des substances alimentaires et non pharmacologiques.

Que contiennent précisément les compléments alimentaires ?

GA : On peut distinguer trois types de compléments. Tout d’abord, les compléments alimentaires au sens strict, qui contiennent des vitamines et des minéraux. Ils sont utiles pour apporter ce qui manque à l’organisme en cas de mauvaise nutrition ou de carence…. On retrouve dans ces compléments des vitamines comme la A, la gamme des vitamines B, la C, la D et la E. Pour ce qui est des minéraux, il s’agit de sels minéraux et d’oligo-éléments comme le sélénium, le calcium, le zinc, le magnésium, le fer par exemple. Il y a ensuite la gamme des compléments alimentaires de phytothérapie. Ils sont à base de plantes qui ne sont pas réservées au seul usage médicamenteux comme la vigne rouge, le radis noir, le pissenlit, le ginkgo ou même depuis peu des plantes agissant sur l’anxiété ou la dépression comme le millepertuis. Il y a enfin une troisième catégorie de compléments plus récents dits à effets physiologiques qui contiennent de la levure, des acides gras type oméga 3, des hormones comme la mélatonine…

A quoi doivent servir les compléments alimentaires ?

GA : Ils doivent être pris dans deux situations bien précises. Tout d’abord si l’on a besoin de compléter une alimentation carencée parce que l’on mange mal, pas assez diversifié, que l’on saute des repas, qu’on manque d’activité physique, qu’on suit un régime strict par exemple. Il s’agit là de rechercher un effet nutritionnel. Les compléments alimentaires peuvent ensuite être une aide si l’on recherche un effet physiologique, c’est à dire pour améliorer son bien-être, sa santé, comme retrouver un meilleur sommeil, favoriser une perte de poids, gérer un stress occasionnel, améliorer certains troubles liés à la ménopause, à la circulation sanguine, renforcer ses défenses immunitaires à l’arrivée de l’hiver…

Il faut par ailleurs alerter le public sur des compléments alimentaires dont le but recherché est sujet à caution. Bien que les compléments alimentaires ne doivent pas être utilisés pour soigner, c’est-à-dire pour rechercher un effet thérapeutique, on trouve cependant des compléments alimentaires contenant des plantes dont certaines ont une réelle action thérapeutique. L’académie de médecine et de pharmacie s’est clairement prononcée contre l’utilisation de ces compléments alimentaires. La visée thérapeutique reste du domaine des médicaments qu’ils soient chimiques ou à base de plantes, et qui, dans ce cadre, font l’objet d’une autorisation de mise sur le marché, ce qui n’est pas le cas des compléments alimentaires, même pour ceux contenant des plantes à visée thérapeutique.

Quelles précautions prendre quand on envisage une cure de compléments alimentaires ?

GA : La première recommandation est d’être sûr d’en avoir besoin. Ainsi, on envisage de prendre des compléments pour des fonctions nutritionnelles quand on est réellement exposé à une alimentation carencée. Pour les compléments à effet physiologique, il convient de toujours demander conseil auprès d’un professionnel de santé, médecin ou pharmacien, qui ait des connaissances en micro-nutrition ou en compléments alimentaires. Dans ces deux cas de figure, il s’agira de cure ponctuelle dans l’année allant de quelques semaines à trois mois. Aucune cure ne doit durer sur le long terme.

Pour éviter tout surdosage nuisible à la santé, il ne faut pas prendre deux cures en même temps. Pour exemple un traitement pour les cheveux et un autre pour la fatigue ont de grande chance d’avoir en commun un ou deux composants. S’ils sont pris en même temps, il y a un réel risque de dépasser les doses quotidiennes en minéraux et vitamines.

Il existe par ailleurs de nombreuses interactions entre les médicaments et les compléments alimentaires, notamment avec les compléments à base de plantes. Si l’on suit un traitement médicamenteux, il faut absolument en parler à son médecin ou son pharmacien avant d’envisager une cure de compléments alimentaires en parallèle.

Attention également aux compléments alimentaires qui préparent la peau au soleil. Certains contiennent du béta-carotène. Il est désormais reconnu que le béta-carotène consommé, au long cours,  à plus de 15mg par jour, c’est-à-dire à des doses non nutritionnelles, induit un risque de cancer accru chez les fumeurs. Par mesure de précaution, il est  donc préférable de les éviter, que l’on soit fumer ou non. Et  malheureusement on peut encore trouver ces produits sur le marché.

Enfin, la règle d’or est de ne pas substituer son traitement médicamenteux par un complément alimentaire apportant a priori les mêmes fonctions, sans l’avis préalable de son médecin. Le patient peut courir un réel danger.

Pour finir, je déconseille fortement l’achat de compléments alimentaires dont le fabricant est inconnu et que l’on retrouve souvent sur internet. En provenance de l’étranger, ces produits peuvent facilement échapper à la répression des fraudes. On peut notamment y trouver des composants non autorisés, très actifs et dangereux pour la santé comme des corticoïdes pour favoriser le développement des muscles ou encore des diurétiques dans des compléments pour mincir. On ne court pas ces risques en achetant ses compléments alimentaires dans des circuits classiques tels que les pharmacies.

La meilleure posture vis-à-vis des compléments alimentaires reste donc une utilisation à bon escient sur les conseils de professionnels ayant des connaissances en la matière.

Propos recueillis par Annie Lebrun-Le Gall

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