Les écrans et les enfants : comment garder le contrôle ?

Les écrans font partie intégrante de la vie quotidienne des familles et des enfants. Leur omniprésence peut cependant avoir des conséquences négatives lorsqu’elle n’est pas maîtrisée. Entretien avec Anita HENRY, psychologue.

Qu’en est-il actuellement de la présence des écrans dans les foyers ?

Anita Henry : Avec l’apparition des tablettes, la multiplication des Smartphones et l’utilisation des applications destinées à faciliter notre quotidien, les écrans sont devenus omniprésents et font partie intégrante des activités au sein de la famille, avec en moyenne 7 écrans par foyer (tout écran confondu : tv, tablette, téléphone, ordinateur, pc).

Pour les enfants, les écrans se retrouvent de plus en plus tôt dans leurs mains. Près d’un enfant sur deux possède son propre écran chez les moins de 6 ans. Et depuis deux ou trois ans, même les tout petits sont confrontés aux écrans. Pour qu’ils cessent de pleurer, de gesticuler ou encore dans la poussette afin d’éviter une crise durant la balade, les parents leur glissent facilement un écran entre les mains.

Comment est gérée cette surexposition ?

AH : Le souci majeur est que cette omniprésence n’est pas maîtrisée. A peine a-t-on le temps d’appréhender les effets potentiellement négatifs de ces outils technologiques que l’on est déjà passé aux prochains.

L’omniprésence des écrans n’est pas non plus anticipée. De la part des parents, il y a très souvent un manque de mise en garde en amont, de surveillance et d’accompagnement des enfants dans l’utilisation de ces outils modernes. Ainsi, on retrouve des parents alarmés, dépassés par des enfants accrochés à leurs écrans et qui deviennent agressifs lorsqu’ils en sont privés ou doivent les  éteindre.

Quels sont les risques d’une surexposition aux écrans chez les enfants ?

AH : Une conséquence visible est liée au corps et aux besoins physiologiques – l’enfant dort mal, se nourrit devant l’écran d’où un risque accru de surcharge pondéral en plus d’une moindre résistance physique. Des résultats scolaires en baisse ainsi que des troubles de l’attention sont également fréquemment observés.

Et de manière peut-être moins évidente pour les parents, la surexposition aux écrans peut aussi fragiliser la construction de la structuration cognitive chez l’enfant. En effet, ce qu’il voit ou active sur la tablette est perçu comme temporaire et sans lien avec son espace ou son corps. L’enfant peut également avoir l’impression que la vie en général se vit comme sur les écrans : « je clique et ça fonctionne, si ça ne fonctionne pas, je n’insiste pas, je clique ailleurs ». Cela induit une perte du sens de l’effort.

Un autre risque réside dans l’illusion que donnent les écrans de répondre à toutes les demandes de l’enfant n’importe où et à n’importe quel moment, et que le monde tourne autour de lui. Avec cette illusion de la toute-puissance infantile que l’enfant est censé perdre vers l’âge de 2 ans, l’adulte en devenir risque de rester un petit enfant dans sa tête. De plus, en percevant le monde à travers son écran, l’univers réel utile au développement de l’imaginaire de l’enfant est restreint car les écrans présentent un univers imaginaire « clef en main » et achevé.

« Pas d'écran avant 3 ans, et 30 minutes par jour entre 3 et 6 ans »

 

Comment agir pour favoriser une utilisation des écrans adaptée aux enfants ?

AH : Il revient aux parents le rôle de fixer les règles et d’établir les limites de l’utilisation des écrans. Entre 0 et 3 ans, il vaut mieux éviter les écrans car leur usage n’est pas adapté à des enfants de cette tranche d’âge. Ensuite, à partir de 3 ans et jusqu’à 6 ans, il faut limiter l’exposition aux écrans à 30 minutes maximum par jour. Ces règles peuvent entraîner des frustrations que les parents doivent être capables de gérer. C’est à eux de garder le contrôle et de s’approprier les décisions, pas à leur enfant.

Au fur et à mesure que l’enfant grandira, il pourra être mis en place l’idée d’une « technozone » – zone où toute la famille rangera les appareils (téléphones, tablettes…) à partir d’une certaine heure. L’enfant fonctionnant par mimétisme, il est aussi important que l’adulte montre l’exemple en autogérant sa propre utilisation des écrans. Les parents doivent également veiller à privilégier des temps sans écrans, par exemple à l’heure du repas, durant les sorties ou le soir, afin que les écrans ne perturbent pas certains moments essentiels à la famille comme les échanges ou le partage.

Attention, cependant, l’utilisation des écrans n’est pas à bannir. Ils doivent être vus comme des outils complémentaires et non de substitution. Un enfant non accompagné court le risque d’un mauvais usage qui impactera négativement l’ensemble de son développement. Il peut ainsi se creuser un fossé entre les enfants qui bénéficieront d’un environnement numérique encadré leur permettant d’en tirer pleinement profit, et les autres.