Des textiles, oui mais pas à n’importe quel prix !

Nos textiles polluent et présentent de réels risques pour la santé humaine et l’environnement. En prendre conscience constitue déjà un premier pas vers des comportements plus vertueux. Etat des lieux à l’occasion d’un webinaire organisé par la Mutualité Française Pays de la Loire avec l’éco-infirmier Philippe PERRIN.

Nos jeans, nos chemises, nos robes, nos tenues de sport… on les aime colorés, soyeux, à la dernière mode et même anti-odeur, infroissable, anti-UV.

Et on les aime tellement, qu’on en achète beaucoup, qu’on en change souvent et qu’on s’en lasse vite.

Jugez plutôt par ces premiers chiffres* rapportés par Philippe PERRIN, éco-infirmier, directeur de l’IFSEN et qui animait le webinaire « Des textiles, oui mais pas à n’importe quel prix » proposé par la Mutualité Française Pays de la Loire :

  • en 15 ans, la vente de vêtement a plus que doublé
  • un vêtement est aujourd’hui conservé deux fois moins longtemps qu’il y a 15 ans
  • un même vêtement ne sera porté en moyenne que 10 fois
  • la durée d’utilisation d’un vêtement sur deux ne dépasse pas un an

Et tout cela à un prix : pour le porte-monnaie du consommateur certes (mais s’il ne s’agissait que de cela…), mais aussi et surtout pour la santé humaine et celle de la planète.

Le textile : un des secteurs les plus énergivores et les plus polluants

Le textile est le secteur qui consomme le plus d’eau potable disponible dans le monde, après la culture du blé et du riz. C’est le secteur mondialisé par excellence qui accumule les kilomètres et les tonnes de CO2 entre les pays (depuis la production de la matière première, en passant par la confection du textile, puis son acheminement et sa distribution).

Le secteur du textile est aussi responsable à lui seul de 20 % de la pollution mondiale des eaux des rivières par rejets industriels dans des pays où les règlementations environnementales et le respect de conditions sociales des salariés sont souvent peu contraignantes voire inexistantes.

Nos chers jeans

Et pour traduire ces chiffres avec des exemples plus près de nous, prenons le cas du jean :

  • un jean aura fait 1,5 fois le tour du monde avant qu’il n’arrive dans notre enseigne préférée -on vous laisse calculer son bilan carbone.
  • un jean aura nécessité 9 000 litres d’eau (soit plus de 10 baignoires remplies).
  • un jean aura aggravé la pollution de l’eau, par le biais des composants chimiques qui auront été utilisés pour sa fabrication et même après, à l’occasion des lavages.

Un bain de chimie dangeureux pour la santé

Car « nos textiles baignent dans un bain de chimie, rapporte Philippe PERRIN. Plus de 1 900 substances chimiques peuvent intervenir tout au long du cycle de fabrication ». Et toute la gamme des composés est déployée : formaldéhyde, phtalates, retardateurs de flammes, colorants azoïques, nonylphénols éthoxylates, métaux lourds, paraphénylènediamine, dérivés organostanniques, nanoparticules, benzidine, nickel, résine, triclosan, dioxyde de titane, parfums de synthèse…

Même si des efforts législatifs sont en cours au niveau européen, « il existe une grande disparité dans les réglementations encadrant l’usage de ces composés chimiques par l’industrie du textile ». Le flou demeure aussi pour le consommateur : pas ou peu d’étiquetages mentionnent l’usage de ces produits sur le textile acheté. Et pourtant leurs effets sur la santé sont connus : cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques, neurotoxiques, perturbateurs endocriniens, irritants ou allergènes.

Achat, utilisation, usage du textile : le citoyen peut agir

Alors que faire ? « Même si le tableau dressé ne semble pas très optimiste, des comportements simples et plus vertueux pour la santé humaine et l’environnement sont possibles à notre échelle » rassure l’éco-infirmier. En voici quelques exemples :

Au moment de l’achat du textile :

  • privilégier les achats de vêtements d’occasion
  • limiter les textiles en fibres synthétiques (qui libèrent des microparticules de plastique au lavage)
  • privilégier le coton, lin et chanvre bio
  • choisir des textiles éco-labellisés (comme les labels öko-test, l’Ange bleu, Confiance textile, EcoLabel)
  • toujours laver un vêtement neuf avant de le porter

Au cours de l’utilisation du textile :

  • limiter la fréquence des lavages
  • favoriser les lessives les moins polluantes éco-labellisés ou faites maison
  • réduire la température de lavage (pour limiter la libération des microparticules de plastique des fibres synthétiques notamment et consommer moins d’énergie)
  • réduire l’usage du sèche-linge (pour limiter la libération des microparticules de plastique des fibres synthétiques notamment et consommer moins d’énergie)
  • éviter le nettoyage à sec (très énergivore)
  • recoudre les textiles usagés quand possible

Après usage du textile :

  • remettre dans le circuit de l’occasion si encore en bon état
  • déposer dans les tris de recyclage spécifique textile

500 000 tonnes de particules de plastique issues des textiles dans les océans : il y a urgence

Il existe parallèlement un engagement plus citoyen à adopter : « C’est aussi en faisant pression auprès des industriels et des pouvoirs publics par le biais des associations que nous parviendrons également à faire avancer la prise en compte de l’environnement et de la santé humaine dans le secteur textile » conclue Philippe PERRIN.

Quand on apprend que chaque année, les océans sont les réceptacles malheureux de 500 000 tonnes de microparticules de plastique (soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique) émanant des textiles en fibres synthétiques, on comprend l’urgence à agir !

*en Europe – sources ADEME 2020

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