A l’occasion de son intervention le 29 novembre auprès des professionnels mutualistes de la Petite enfance en région, Philippe Perrin, éco-infirmier et directeur de l’institut de formation en santé environnementale (IFSEN), nous éclaire sur l’importance de la santé environnementale auprès des jeunes enfants dans les structures Petite enfance.
Pourquoi la préoccupation environnementale est-elle cruciale dans les structures qui accueillent de très jeunes enfants ?
Philippe Perrin : Ces lieux d’accueil reçoivent sur des durées régulières de petits individus qui sont à une période clef de leur développement. Leurs fonctions respiratoires, digestives, immunitaires sont encore immatures et par conséquent très sensibles. Une exposition à des polluants peut venir perturber la croissance des organes et de façon souvent irréversible.
On parle de la période des 1 000 jours, qui va de la conception jusqu’aux deux ans de l’enfant. C’est une fenêtre très sensible durant laquelle se programme de manière durable le capital Santé fonctionnel de l‘enfant et son risque futur de maladie pour la vie. Basée sur les mécanismes dits épigénétiques, cette programmation sera plus ou moins bonne en fonction des facteurs environnementaux auxquels le jeune enfant sera confronté.
On comprend alors la nécessité à ce que les professionnels de la petite enfance aient conscience des enjeux de santé environnementale qui se jouent dans leurs structures.
Vous n’êtes pas un grand partisan de la désinfection en structures Petite enfance. Est-ce plus néfaste qu’utile ?
Philippe Perrin : Dès lors que l’on est en collectivité, il est vrai que les professionnels ont tendance à faire la chasse aux microbes et à s’engouffrer dans une désinfection excessive des lieux ou des objets en pensant rendre l’environnement plus sain. Je ne parle bien entendu pas ici des établissements de soins, mais pour une crèche il n’est pas certain que l’apport d’agents chimiques de désinfection soit préférable à la présence de microbes en matière de bénéfice/risque.
Il faut changer notre relation aux microbes qui sont indispensables au développement du jeune enfant. Je pense notamment au microbiote intestinal, cutané ou respiratoire que l’enfant doit se constituer pour être en bonne santé à l’âge adulte. Il ne pourra pas le faire dans des lieux trop aseptisés. Nettoyer oui, désinfecter systématiquement voire surdésinfecter, non !
Etes-vous confiant dans la capacité des populations à changer leurs pratiques ?
Philippe Perrin : Nous n’avons pas le choix. On a certes peu de données prospectives sur les effets des contaminants environnementaux mais suffisamment de présomptions pour se lancer dans l’action préventive dès maintenant. Attendre d’avoir des certitudes, c’est se condamner à l’inaction et mettre la santé des enfants en danger.
Je reste confiant sur la mobilisation de la société dans ce sens. Le grand public est de plus en plus sensible aux préoccupations environnementales. Le monde des soignants ou comme aujourd’hui des professionnels de la petite enfance, se mobilisent et se forment de plus en plus sur le sujet. C’est très encourageant. C’est cette prise de conscience citoyenne qui à terme, espérons-le, fera pression sur les pouvoirs économiques et politiques pour que les décideurs s’emparent du sujet et agissent à leurs niveaux.