La Mutualité Française Pays de la Loire et Ouest France se sont associés pour élaborer un dossier spécial consacré à la santé en Pays de la Loire. Parmi les différents thèmes abordés, celui notamment de la santé auditive.
Vision / Audition : "Il ne faut pas avoir peur de se faire dépister"
Gilles Berrut insiste sur l’importance du dépistage pour les problèmes de vue et d’audition, et ce également chez les personnes atteintes de troubles de la mémoire.
Le spécialiste Gilles Berrut estime que l’accumulation de problèmes de vue ou d’audition aggrave le déclin cognitif des personnes âgées. Il préconise donc de se faire dépister dès que possible, notamment pour certaines pathologies.
Entretien. Gilles Berrut, professeur de médecine interne gériatrique, président du Gérontopôle des Pays de la Loire, chef du pôle hospitalo-universitaire de gérontologie clinique du CHU de Nantes.
Quels sont les troubles visuels fréquents apparaissant avec l’âge ? On peut citer la cataracte et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Cette dernière empêche la vision centrale, on ne voit alors qu’avec sa vision périphérique. En gros, si vous voulez voir ce qu’il y a au centre, vous devrez regarder à côté. Le souci, c’est qu’on ne se rend pas compte de ce trouble. C’est pourquoi nous avons créé une unité d’ophtalmo-gériatrie à l’hôpital Bellier avec le Pr Weber.
Comment le soigner, alors ? Il faut s’en préoccuper à partir de 70 ans et aller au minimum tous les deux ans chez l’ophtalmologue. Tous les ans, c’est encore mieux ! Un dépistage est alors pratiqué et si la DMLA est détectée, on injecte un médicament anti-angiogéniques. Ce traitement permet à la maladie de ne pas s’étendre. Il est très important aussi de traiter ça chez les personnes atteintes de troubles de la mémoire. On s’est rendu compte que les troubles de la vue (et de l’audition) de ces dernières étaient mal pris en compte. Or, avoir des problèmes de mémoire et des soucis de vue aggrave le déclin cognitif.
Est-ce la même chose pour les problèmes d’audition ? Oui, le problème principal est celui de la presbyacousie. Les personnes entendent bien lors d’une conversation classique dans le calme, mais s’il y a derrière un bruit de fond (télé ou autre personne qui parle), tout se brouille. Il est alors possible de s’équiper d’une audioprothèse. Bien sûr, il faut s’y habituer et ce n’est pas toujours facile, car l’appareil auditif est moins admis dans la société que des lunettes par exemple, mais je conseille tout de même de ne pas le faire trop tard, autour des 65-75 ans. L’important est de ne pas être dans le déni sur cette question-là.
S’occuper de sa vue et de son audition, c’est aussi un moyen de prévenir d’autres maladies ? Il est certain que lorsqu’on n’entend plus, ou moins, on crée un isolement qui est très mauvais pour le cerveau. Il est important de « se forcer » à parler avec les autres, même si parfois on doit faire répéter. Un conseil pour les proches de personnes ayant des problèmes d’audition : parler en face en articulant, sans parler fort ni déformer son visage. Dans certains cas, le chuchotement à l’oreille est aussi parfois efficace.
Dans tous les cas, vous préconisez le(s) dépistages… Oui, il ne faut pas avoir peur de se faire dépister. Dire ce qui ne va pas à votre médecin, il ne peut pas le deviner. Sachez vous plaindre, en résumé ! Et dites-vous que quel que soit l’âge, on peut faire quelque chose. Si votre médecin vous dit le contraire, n’hésitez pas à prendre un deuxième avis !
Audition : "Peace and Lobe, des concerts pour mieux écouter la musique"
En 2017/2018, une soixantaine de concerts Peace and Lobe seront donnés dans toute la région.
Depuis une dizaine d’années, les spectacles « Peace and Lobe », proposés dans diverses salles de la région, sensibilisent les 12-19 ans aux risques liés à l’écoute de musique à des volumes sonores importants.
L’initiative 81% des 12-19 ans des Pays de la Loire écoutent plus d’une heure de musique par jour. Et plus de 50% des ados à un niveau plutôt fort ou très fort. « Ces chiffres ressortent d’une enquête que l’on a menée en 2014 sur le rapport des jeunes à la musique », détaille Hélène Fourrage, directrice de Mus’azik.
Cette structure de production de spectacles propose ‑ via un dispositif national ‑ des concerts pour sensibiliser les adolescents aux risques auditifs. « Les concerts existent depuis 2000. Il y a eu une pause entre 2004 et 2008 et depuis, de nombreux spectacles ont eu lieu. » Ainsi, environ 12000 jeunes sont touchés chaque année. « Les concerts Peace and Lobe s’articulent autour d’un mélange de conférences, de dialogues et de morceaux de musique bien sûr. L’idée est de faire passer un message, pour que les jeunes gardent leur audition le plus longtemps possible. » Tous ont lieu sur le temps scolaire, dans des salles de spectacles (Stéréolux ou salle Paul Fort à Nantes, Chabada à Angers, 6 par 4 à Laval…) et sont assurés par huit personnes, six musiciens et deux techniciens, issus de groupes de musique différents et formés spécifiquement sur la thématique des risques liés à l’écoute de musiques.
58% ont déjà ressenti des acouphènes « On évoque l’évolution des différents styles de musiques, de l’acoustique, l’amplification, la numérisation… Puis on discute, via des schémas, de la physiologie de l’oreille et de la définition d’un décibel. Attention, on n’est pas là pour faire un cours, mais pour faire des piqûres de rappel de manière ludique », poursuit la directrice de Mus’azik.
Et les adolescents sont bel et bien concernés puisque 58% affirment ‑ toujours selon l’enquête citée plus haut ‑ avoir déjà ressenti des acouphènes (sifflements et bourdonnements dans les oreilles). Pour la tranche d’âge 18-19 ans, le chiffre grimpe à 67%. « À cet âge-là, il y a davantage de sorties en boîtes de nuit », explique Hélène Fourrage.
« Nous en profitons donc pour distiller quelques conseils, comme celui par exemple de regarder le poids d’un morceau au moment de son téléchargement. Plus celui-ci est faible, moins la qualité des voix sera bonne et plus les jeunes auront tendance à augmenter le son. Par ailleurs, quand ils sont dans un concert, nous leur conseillons de sortir une quinzaine de minutes toutes les heures et de ne pas attendre d’avoir mal avant de mettre des bouchons », poursuit la jeune femme.
Un autre élément qui est ressorti des dialogues pendant les concerts, c’est le fait de s’endormir avec la musique sur les oreilles. « Là, vraiment, on explique que c’est la dernière chose à faire. Il faut absolument paramétrer son appareil pour que la musique s’arrête ! L’oreille a besoin de se reposer et une fois qu’elle est endommagée, la vie peut devenir très compliquée… »
Toutes les dates de La tournée 2017-2018 qui débutera le 9 novembre à Allonnes et se terminera le 17 avril à Saint-Nazaire.
Audition : "Ecouteurs, casques, téléphones... Prenez soin de vos oreilles !"
La perte d’audition est souvent progressive. Il faut donc être vigilant à la moindre alerte, et ne pas hésiter à consulter un médecin ORL.
C’est connu, le bruit, quand il est trop fort, peut avoir de graves conséquences sur la santé : des risques de surdité, mais aussi un stress accru ou des problèmes d’endormissement. Quelques conseils pour s’en prémunir.
Que dit la loi ? Qui n’est jamais sorti d’un concert avec cette impression de bourdonnement dans les oreilles… Rien de grave ? Pas si sûr… En 2017, la surdité ne concerne plus que les séniors. « 6% des 15-24 ans ont une perte auditive ; 9% des 24-35 ans », précise Fabrice Natovova audioprothésiste mutualiste à La Roche-sur-Yon. Si le bruit est très encadré sur les lieux de travail, dans l’industrie par exemple, avec un seuil fixé à 80 décibels, « la mode semble être revenue aux sons forts », a remarqué le professionnel. Pendant un concert ou en boîte de nuit, la limite autorisée est rehaussée pour atteindre 102 décibels en continu, 118 pour les « pics sonores ». 120, c’est le seuil de douleur pour une oreille saine…
Au téléphone, que risque-t-on ? Rares sont les téléphones portables préréglés. La manipulation doit être faite par chacun, dans les réglages de l’appareil. Certains sont équipés d’une barre qui se colore en fonction du seuil atteint. Vert, c’est bon. Rouge, c’est trop. « Quelqu’un qui écoute de la musique sur son iPhone par exemple doit respecter les seuils communs : après quinze minutes d’écoute à 100 dB, il faut arrêter au risque de s’exposer à un acouphène, le seuil irréversible », alarme Fabrice Natovova. L’acouphène, c’est un son qui n’existe pas pour les autres. Il peut ressembler à un bourdonnement, un sifflement ou même un tintement. « Il suffit d’une fois », prévient le spécialiste.
Le son comprimé : bien ou pas ? Lorsqu’on parle de compression du son, il faut distinguer deux choses : la compression de l’amplitude, du niveau ; et la compression du débit. Ce dernier renvoie au principe du MP3 : on compresse un son, des données, pour que ceux-ci prennent moins de place. Une heure de musique sur CD, soit environ 650 Mo, peut ainsi devenir 60 Mo sur clef USB par exemple. « L’idée est de maintenir une certaine qualité », éclaircit Manuel Melon, enseignant-chercheur à l’université du Mans, qui dit ne pas reconnaître au processus des effets néfastes sur la santé.
La modification de l’amplitude résulte quant à elle d’un calcul mathématique et informatique. Là, l’idée est de réduire les écarts de niveau pour rendre le son perceptible. Ainsi un passage Piano d’une mélodie classique sera bien audible au conducteur au volant de sa voiture. Ce qui n’aurait peut-être pas été le cas si le morceau n’avait pas été comprimé. « Si l’on mesure avec un sonomètre un morceau de classique brut, il peut y avoir entre 10 et 20 décibels de différence entre les moments Piano et Forte. Après compression, il y a entre 0 et 2 décibels de différence », explique Manuel Melon. La radio a régulièrement recours à ce processus qu’on trouve aussi quelques fois lors de concerts. « En modifiant l’équilibre de la musique, on ne modifie par le morceau, même si on en modifie sa qualité. Et plus le son est comprimé, moins il laisse de plages aux oreilles pour se reposer… », poursuit l’universitaire.
Écouteurs ou casque ? Les chiffres sont sans équivoque : la jeune génération peut dépasser sept heures d’écoute par jour avec des tranches parfois ininterrompues de trois heures…. Alors casque ou écouteurs ? La question ne se pose pas pour nos deux spécialistes. « L’important, c’est l’usage que l’on en fait », défendent-ils.
« Utilisés par 75% des 15-45 ans, les écouteurs ont augmenté le risque de surexposition prolongée à des sons forts », illustre Fabrice Natovova qui indique que les normes européennes limitent à 100 décibels le volume maximal des iPod, des baladeurs MP3 et des casques, dont certains, non « bridés », peuvent atteindre près de 130 décibels.
« Ce qui compte, c’est toujours le niveau sonore qui entre dans les oreilles », poursuit Manuel Melon qui recommande néanmoins des appareils qui isolent de l’extérieur afin d’éviter de mettre plus fort à la moindre pollution sonore.
Comment sensibiliser les plus jeunes ? « Dix secondes à côté d’une enceinte peuvent suffire », insiste Fabrice Natovova. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 50% des jeunes de 12 à 35 ans sont trop exposés dans les pays développés. L’audioprothésiste reçoit de plus en plus de jeunes patients. Pour lui, pas question de faire une leçon de morale. « Je préfère avoir une approche pédagogique en leur conseillant, dès que leur oreille bourdonne, de mettre des mousses. » Il est aussi possible de commander des bouchons sur-mesure pour maintenir la qualité sonore.
Côté santé. Quand le lien oreille-cerveau se fissure… « Ce qui abîme l’oreille, c’est la répétition. Et plus le son est fort, plus elle travaille », souligne Manuel Melon, enseignant-chercheur à l’Université du Mans. C’est lorsqu’elle ne peut pas se reposer que des risques apparaissent. Le schéma est semblable à celui de la vue : s’ils sont trop sollicités, les yeux fatiguent et doivent se détendre. « Après deux heures d’écoute, inférieure à 85 dbA, le seuil de danger pour l’oreille, il faut s’arrêter un quart d’heure », recommande Fabrice Natovova, audioprothésiste. À 103 db (A), il suffit de 7,30 minutes pour se faire mal… Les dbA correspondent au son perçu par l’auditeur. Les db à l’intensité réelle.
Car le son impose une pression sur le tympan. « Quand celui-ci est trop fort, les cellules sensorielles de l’audition, appelées cellules ciliées, peuvent être arrachées. Or elles ne repoussent pas », éclaircit le spécialiste qui alerte : l’oreille peut être endommagée bien avant que l’on ne ressente une quelconque douleur…
Une surdité progressive Mais il est rare de devenir malentendant de manière soudaine. La perte d’audition est souvent progressive. Il faut donc être vigilant à la moindre alerte, et ne pas hésiter à consulter un médecin ORL. En fait, lorsqu’on écoute ou entend un son, l’oreille transforme l’onde sonore pour l’emmener jusqu’au cerveau. C’est alors le cortex auditif qui interprète l’information que lui envoie le nerf. Lorsqu’une personne a une oreille défaillante, la zone du cerveau en charge du traitement des sons, peut alors rencontrer des difficultés. « L’audioprothésiste est chargé de réapprendre au patient comment comprendre un son grâce à une aide auditive », conclut Fabrice Natovova.