La Mutualité Française Pays de la Loire et Ouest France se sont associés pour élaborer un dossier spécial consacré à la santé en Pays de la Loire. Parmi les différents thèmes abordés, celui notamment des aidants familiaux.
Aidants : "Dans ces entreprises, on aide les salariés... à aider leurs proches"
Philippe Huerre, Camille de Cadenet et Aline Vantz
C’est notamment le cas de la Société Générale, à Nantes. En partenariat avec la Mutualité française, la banque a proposé à ses salariés aidants un cycle d’ateliers pour communiquer autrement, découvrir ses atouts…
Camille de Cadenet est assistante sociale à la Société Générale, à Nantes. Elle reçoit les salariés qui en font la demande pour évoquer leurs problèmes personnels ou professionnels. «Je discute avec beaucoup de personnes aidantes, qui me parlent de leurs difficultés, des démarches qu’ils entreprennent…»
L’an passé, elle rencontre Aline Vantz, responsable de projet prévention et promotion santé à la Mutualité française Pays de la Loire, qui anime des ateliers à destination des aidants actifs (en activité professionnelle) pour leur permettre de se maintenir en santé. «Pas seulement pour ne pas être malade, mais aussi pour se sentir bien, dans ses conditions de travail, ses loisirs, son environnement», précise cette dernière. Un cycle de quatre séances a donc été proposé en début d’année aux salariés, sur leur lieu de travail, à la pause de midi.
Huit d’entre eux y ont participé. «Six femmes et deux hommes, de 45 ans en moyenne. Six d’entre eux s’occupent d’un parent de plus de 90 ans. Les deux autres d’un enfant et d’un neveu», détaille la responsable de projet. «C’est quoi être un aidant actif ?» ; «Comment communiquer autrement pour mieux accompagner ?» ; «Découvrir ses atouts pour mieux se connaître»…
Compétence et créativité Différentes thématiques ont été abordées. «L’idée est d’installer un climat de confiance et de bienveillance entre les participants, à qui on laisse un large temps de parole.» «Les personnes vont alors échanger entre elles sur leurs pratiques, leurs façons de faire au quotidien…», renchérit Camille de Cadenet.
Et souvent, les aidants ont déjà des comportements très créatifs. « Je pense notamment à l’un d’entre eux qui collaient des photos sur les portes des pièces de la maison, pour que la personne aidée puisse plus facilement se retrouver, raconte Aline Vantz. En fait, les aidants ne s’en rendent pas toujours compte mais ils ont de nombreuses compétences ! Notre ambition est de les accompagner, les valoriser et les faire émerger. »
« S’oublier » «L’une des caractéristiques communes chez les aidants, c’est le fait de s’oublier. Le sentiment de culpabilité est très présent», dit Camille de Cadenet. «Dans ces ateliers, nous essayons donc de transmettre l’idée selon laquelle plus ils seront bien (en s’accordant du temps pour eux, en faisant du sport ou autre), plus ils feront du bien à leur entourage», souligne Aline Vantz.
Et ça marche, puisque les participants ont demandé un cinquième atelier, qui aura lieu en novembre. Aucun n’a voulu témoigner. Mais dans un questionnaire, ils indiquent qu’ils se sentent plus «sereins, confiants dans l’avenir, mieux préparés» ou encore «apaisés». «Avec le bouche-à-oreille entre salariés, je ne serai pas étonné que certains soient intéressés pour d’autres ateliers», estime Philippe Huerre, chef d’établissement Société Générale Securities Services Nantes, précisant que la mutuelle Société Générale propose une offre d’assistance pour les aidants familiaux (via de l’information, de la formation…). Claire BAUDIFFIER
Aidants : "Pour les aidants, l’important est de dialoguer, de ne pas s’enfermer"
Fanny Durozier, psychologue, intervient auprès des aidants au moment où le malade entre en EHPAD
Fatigue, problèmes de dos, isolement… Les aidants peuvent, parfois, rencontrer des difficultés dans leur quotidien. Fanny Durozier, psychologue, accompagne ceux dont les proches entrent en EHPAD.
Entretien. Fanny Durozier, psychologue au sein de Mutualité Retraite
Quel est votre travail au quotidien ? Je rencontre les familles de personnes malades, soit à leur propre demande, soit lorsque ça leur a été conseillé par un médecin par exemple. Mon travail intervient au moment où le malade entre en EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, N.D.L.R.), en hébergement permanent ou en accueil temporaire (3 mois maximum).
Quelle est alors la difficulté pour les aidants ? Les aidants ont, pendant parfois de nombreuses années, assumé plusieurs rôles : celui d’époux(ses), de soignants, de comptables… À l’entrée du malade en EHPAD, il s’agit de redéléguer certains de ces rôles, d’obtenir la collaboration des proches, ce qui est bien sûr parfois difficile.
Les aidants rencontrent-ils des problèmes physiques, psychologiques ? Oui, certains sont très fatigués, manque de sommeil. Le fait d’aider le malade physiquement peut entraîner aussi des problèmes de dos car les gestes ne sont pas forcément adaptés. Souvent, l’aidant est une personne âgée, ce qui multiplie les risques. On les oriente là vers des professionnels de santé.
On entend beaucoup aussi parler d’isolement des aidants. Oui, le risque d’isolement est présent, les aidants s’autorisent (et concrètement peuvent moins) moins de choses, ne peuvent plus sortir, aller au ciné, à un cours de gym, voir des amis… Ils ont tendance à s’oublier. L’incompréhension de l’entourage qui n’est pas forcément au courant de toutes les conséquences de la maladie (par exemple pour des malades d’Alzheimer, le fait qu’il y ait des troubles du comportement la nuit, qui entraîne une hypervigilance de l’aidant, et donc une fatigue), peut aussi apparaître. L’important est donc, autant que possible, de dialoguer, d’expliquer et de ne pas s’enfermer à deux, en couple, dans la maladie.
Malgré tout, certains aidants ont du mal à accepter d’être aidés. Tout à fait, parce qu’il y a aussi un sentiment de honte et de culpabilité qui se développe. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux structures existantes, aux auxiliaires de vie… Après, chacun fait comme il peut et effectivement, parfois, les aidants ne le souhaitent pas. Ou du moins pas au début, puis peuvent aussi changer d’avis. C’est l’une de mes missions, de rester vigilante à cela. Ce n’est pas parce qu’on a refusé une fois que l’on refusera toujours.
En chiffres . En France, 8,4 millions de personnes aident de façon régulière un proche.
. 57% sont des femmes, 79% sont membres de la famille et 47% exercent une activité professionnelle.
. La maladie de la personne aidée a un retentissement sur leur propre santé morale et/ou physique, dans 74% des cas.
. L’accompagnement de la personne malade entraîne des difficultés dans la relation avec les amis dans 72% des cas et dans la vie familiale dans 70% des cas.
Sources : Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux).
Aidants : "Vous aidez un proche au quotidien : les dispositifs à connaître"
La Maison des aidants de Nantes fait partie des sept plateformes de répit de la région – Ville de Nantes (Régis Routier)
Des congés aux aides financières en passant par les Maisons des aidants, diverses structures et dispositifs sont mis en place pour accompagner les aidants. Tour d’horizon non exhaustif en Pays de la Loire.
Les congés « On peut noter le congé « proche aidant », d’une période de trois mois à un an maximum, pour les salariés du privé, explique Virginie Portais, conseillère sociale de la Maison des aidants à Nantes. Le souci, c’est qu’il est sans solde, donc peu d’aidants font cette démarche. »
Le congé de solidarité familiale, pour tous les salariés, permet quant à lui de prendre un congé de trois mois (renouvelable, en continu ou non) pour assister un proche en fin de vie. Il est alors possible de bénéficier d’une allocation journalière.
Les aidants d’un enfant malade peuvent quant à eux demander un congé de présence parentale. Il est attribué pour une période maximale de 310 jours ouvrés, dans la limite de trois ans. Pas de rémunération mais possibilité de percevoir l’allocation journalière de présence parentale (AJPP).
Les plateformes de répit Il y a en France 140 plateformes d’accompagnement et de répit. En Pays de la Loire, on en compte sept. Deux en Loire-Atlantique dont la Maison des aidants de Nantes et l’association Al’Fa Répit à Drefféac ; quatre en Maine-et-Loire (CCAS d’Angers, association Relais & Présence à Cholet, l’EHPAD Les Moncellières au Fresne-sur-Loire et l’association Anne de Melun à Baugé-en-Anjou) ; une en Sarthe, l’EHPAD La Reposance au Mans. » Un appel à projets a été lancé pour des plateformes en Vendée et Mayenne, mais ici, à Nantes, nous accueillons tous les aidants quel que soit leur lieu d’habitation », poursuit Virginie Portais.
Leur but est d’informer les aidants sur les divers dispositifs qu’ils peuvent solliciter (aides financières, à domicile…), de leur apporter des connaissances et une compréhension de la maladie du proche, de les accompagner dans leurs recherches d’EHPAD, leur proposer un temps d’écoute, des activités en groupes (chant, naturopathie, gestion du stress dans le cas de Nantes…).
Les aides financières « Il n’y a pas à proprement parler d’aides pour l’aidant, mais plutôt pour le proche », souligne Virginie Portais. Les aidants peuvent, pour leur proche malade de plus de 60 ans en perte d’autonomie, demander l’APA (allocation personnalisée d’autonomie). Cette dernière permet notamment de financer les dépenses pour rester vivre chez soi (aides à domicile…). Les caisses de retraite mettent aussi des offres en place, il faut se rapprocher d’elles. Pour les malades de moins de 60 ans, il faut faire une demande auprès de votre Maison départementale des personnes handicapées pour obtenir une Prestation de compensation du handicap. « Dans tous les cas, nous sommes là pour conseiller et aider les proches dans les démarches à effectuer. »
« À Nantes, une aide particulière est proposée depuis peu pour que les aidants puissent prendre du temps pour eux, aller à la piscine, voir un ami ou tout simplement dormir », détaille la conseillère sociale de la Maison des aidants. Le dispositif s’adresse aux personnes aidant un proche de plus de 55 ans. Ces dernières peuvent choisir une association d’aide à domicile parmi quatre partenaires. « Jusqu’à 120 heures au total par an, la ville apporte son soutien en fonction des revenus, entre 1,64 et 16,40€ de l’heure. Pour le moment, il n’y a eu que 60 bénéficiaires, c’est peu, nous aimerions toucher un public plus large, mais ce n’est pas facile car les aidants peuvent avoir tendance à culpabiliser. Or, il est vraiment primordial qu’ils prennent du temps pour eux. » Pour cette raison, la Ville propose une offre « découverte », dans laquelle les cinq premières heures d’aide sont gratuites pour les plus faibles revenus (et 5€ pour les autres tranches). Claire BAUDIFFIER